mardi 7 décembre 2010

DSK : "Europe ! Europe !! Europe !!!"

 
(...) « la solution la plus ambitieuse serait de créer une autorité budgétaire centralisée avec une indépendance politique comparable à celle de la Banque centrale européenne. Cette autorité établirait pour chaque pays sa politique budgétaire et allouerait des ressources à partir d'un budget central […] » (...).

Source : Les échos.

Olivier Delamarche sur l'appel de Cantona

mardi 30 novembre 2010

L'Otan veut l'unité Europe-Amérique. Oui mais contre qui?

Le dernier sommet de l’OTAN, qui  a rassemblé il y a quelques jours les 28 pays membres à Lisbonne,   serait, dit-on, un des plus importants qui aient eu lieu. Afin de définir un nouveau « concept » justifiant l’existence de l’organisation, les alliés y ont passé en revue l’ensemble des menaces auxquelles elle devrait faire face dans l’avenir. Ces menaces balayent un spectre très large qui va de la guerre cybernétique au changement climatique en passant par le terrorisme, justification de la guerre en Afghanistan, et la menace de missiles nucléaires qui pourraient partir d’un Etat voyou. Il est un autre risque que l’on n’a pas avoué puisque, dans le cadre du partenariat stratégique, le président Medvedev avait été invité, mais que les Etats-Unis ne manquent pas d’agiter auprès de leurs alliés comme si le communisme ne s’était jamais effondré : la menace russe.  
(...) a été rendu officielle et approuvée par tous les membres la mise en place d’un bouclier anti-missiles stratégique, dont on sait combien il est mal ressenti par la Russie.

Un instrument de contrôle politique

(...) l’OTAN est aujourd’hui, moins une alliance militaire qu’un moyen de contrôle politique par les Etats-Unis de leurs « alliés».
(...)  les pays d’Europe occidentale ne consacreront bientôt qu’à peine plus de 1 % de leur PIB à la défense, pour 4,6 % aux  Etats-Unis - soit 43 % des dépenses militaires mondiales.
Les Etats-Unis ont beau se plaindre de l’effondrement progressif de l’autre pilier de l’Alliance sur lequel, au moins en théorie, ils aimeraient compter, ce fait est déjà pris en compte par leurs théoriciens : pour le néo conservateur Robert Kagan, ( La puissance et la faiblesse, 2003 ), il est acquis, que les Etats-Unis sont une puissance « martienne », vouée à la guerre et pleinement acteur de l’histoire contemporaine, tandis que les Européens ne sont plus que des « vénusiens », adonnés à l’amour et aux bons sentiments et oublieux du tragique de l'histoire, trop heureux d’abandonner le soin de leur défense à leur grand allié.
Et n’est-ce d’ailleurs pas ce qu’ils ont voulu ? Les folles spéculations de Z.Brzeszinski (Le grand échiquier, 1997) partent de l’idée que le seul moyen que l’Europe reste pour les Etats-Unis un allié sûr, qu’elle ne bascule pas dans un bloc eurasiatique hostile, était de la « castrer », d’anesthésier sa volonté, au travers d’un contrôle étroit de la politique des pays d’Europe occidentale (dont le dernier film de Polanski, The ghost-writer donne sans doute une idée) et d’organismes comme l’OTAN.
Que l’assujettissement entraine la baisse de l’effort de défense, c’est ce que le général de Gaulle avait prévu dans une incise, passée alors inaperçue, de sa célèbre conférence de presse du 23 février 1967 où il annonçait le retrait de la France de l’organisation intégrée de l’OTAN.
« La volonté qu’a la France de disposer d’elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée. »
Autrement dit, de Gaulle posait le théorème suivant, que la suite des événements devait valider : la propension d’un pays à payer pour sa défense – et donc à demeurer un allié sûr - est proportionnelle à son indépendance. Pas d’indépendance, pas de défense.  
On peut s’interroger sur les menaces passées en revue au sommet de Lisbonne, quant à leur réalité : Russie, terrorisme (sur lequel on peut en tous les cas dire qu’il ne se joue pas en Afghanistan), états-voyous, ou quant à leur caractère spécifique au bloc occidental : réchauffement climatique, qui, nous semble-t-il, serait plutôt du ressort de l’ONU.
 (...)
Roland Hureaux.

L'article complet sur Marianne2.fr

La dictature pour sauver l'euro ?



Petit rappel :

vendredi 26 novembre 2010

Campagne de l'UPR de François Asselineau pour une sortie de l'euro

Si vous souhaitez aider l'UPR, parti dont l'objet est de sortir la France de l'Union européenne initié par François Asselineau, vous pouvez suivre l'appel lancé sur le site et participer de façon citoyenne à l'information des français :


Tract sur la sortie de l’Euro, mode d’emploi

Alors que le désastre économique et financier de l’euro se précise, et que les événements s’accumulent pour prouver que l’UPR est, depuis 3 ans et demi, le SEUL mouvement politique lucide et responsable capable de sauver la France du péril extrême dans lequel elle s’enfonce, il nous semble nécessaire d’accélérer notre très sensible montée en puissance et notre visibilité sur le terrain.
Nous demandons en conséquence à tous nos adhérents et à tous nos sympathisants :
  • - de prendre connaissance du tract ci-joint qui précise le programme de l’UPR pour sortir de l’euro,
  • - de le diffuser au maximum à toutes leurs connaissances, familiales, amicales et aussi, si possible, professionnelles,
  • - pour ceux qui en ont la possibilité matérielle, d’imprimer et de photocopier [à leurs frais, hélas....] ce tract en couleurs (de préférence) ou en noir et blanc et de le diffuser tout autour d’eux, notamment aux personnes âgées qui n’ont souvent pas accès à Internet. Même quelques dizaines de tracts photocopiés peuvent être très précieux pour diffuser notre programme sur l’euro,
  • - de le diffuser sous toutes ses formes (papier et numérisé) et par tous les moyens à votre disposition (courriel, blog, réseaux sociaux, courriers, affichage, distribution, dépôt dans les lieux publics et privés,… ).
La situation de la France s’aggrave et nous sommes là pour prouver que les Français ne vont pas laisser tomber la France.
AUX TRACTS CITOYENS !


Tract à télécharger.

Source : http://www.u-p-r.fr/

mardi 23 novembre 2010

Euro : question au gouvernement

Sortie de l'Euro : Débat Dupont-Aignan / Benhamias

Vers la faillite générale



Un spectaculaire article du Daily Telegraph : L’HORRIBLE VÉRITÉ COMMENCE À SE FAIRE JOUR SUR LES DIRIGEANTS EUROPÉENS

48 HEURES POUR SAUVER L’EURO


après la crise grecque et avant la future crise portugaise, la crise irlandaise est un nouveau signal de l’explosion inéluctable du processus européen.
C’est avec un vif intérêt que j’ai pris connaissance du dernier article du journaliste britannique Ambrose Evans-Pritchard - dans le journal Daily Telegraph du 16 novembre - sur la crise irlandaise et européenne.


Et c’est pourquoi je prends l’initiative de vous en recommander la lecture ci-infra.
D’abord parce que son auteur est l’un des meilleurs journalistes du Royaume-Uni, et sans doute l’un des meilleurs journalistes du monde. Il continue, contre vents et marées, à faire son métier de journaliste, dans le sens le plus noble du terme. C’est-à-dire un métier d’investigation qui se fait un point d’honneur à découvrir la vérité derrière les mensonges officiels de tous les pouvoirs, puis d’en informer fidèlement et sans détours ses concitoyens, fussent-ils « sujets britanniques » dans le cas d’espèce. Pour ceux qui ont déjà vu mes conférences, Ambrose Evans Pritchard est d’ailleurs le journaliste dont je cite l’article du 17 septembre 2000 puisqu’il fut l’un des seuls, sinon le seul, à examiner les documents « Confidentiel Défense » déclassifiés à l’été 2000 par l’administration Clinton. Le journaliste du Daily Telegraph est ainsi le seul journaliste à avoir révélé que ces documents prouvaient - de façon on ne peut plus officielle - que la totalité de la construction européenne a été pilotée en sous-main par les autorités de Washington et leurs relais, tout au long des années 1950 et 1960 (les années après 1970 étant encore couvertes par le Secret Défense).
Ensuite, l’article d’aujourd’hui m’a d’autant plus frappé qu’il m’a semblé, à plusieurs reprises, avoir été écrit par moi-même ou par l’un des adhérents de l’UPR ! Quoi que je n’aie jamais rencontré Ambrose Evans-Prichard et qu’il vive dans un pays et un milieu socioprofessionnel fort différents des miens, ce journaliste talentueux est arrivé, par son travail sans relâche et ses investigations sans complaisance, à des analyses et à des comparaisons qui sont au fond exactement les nôtres. C’est bien la preuve que l’honnêteté intellectuelle et la vérité ne connaissent pas de frontière. Et c’est aussi la preuve, très porteuse d’espoir, qu’à travers toute l’Europe des forces sont en train de se lever pour briser la dictature impitoyable qui s’est mise en place sous couvert de « construction européenne » et pour rendre aux différents peuples d’Europe leur grandeur et leur bonheur, qui ne peuvent bien entendu aller de pair qu’avec leur liberté.
Comme on va le lire, les mots employés par Evans-Pritchard sont d’ailleurs très forts puisqu’il n’hésite pas à qualifier l’Union européenne d’organisation « proto-fasciste » et il a raison de le faire. De même qu’il a parfaitement raison de démonter – dans le cadre étroit d’un article de journal s’entend – le mécanisme absurde de l’euro, qui ne peut conduire qu’à son éclatement et à la destruction de l’Union européenne. Ceux qui ont assisté aux conférences que je fais depuis trois ans, et notamment à ma conférence sur la sortie de l’euro que j’ai faite depuis plusieurs mois, retrouveront des points communs, nombreux et évidents, avec mes propres analyses.
Enfin, qu’il me soit permis ici de dresser un triste constat sur la disparition de la liberté de penser et de publier en France.
Le Daily Telegraph, qui est l’un des journaux les plus anciens et les plus sérieux du monde, a fait d’Ambrose Evans Pritchard l’un de ses journalistes vedettes et lui ouvre grand ses colonnes pour publier l’article qu’on va lire. Ce journal et ce journaliste représentent à mes yeux ce qu’a de plus grand le peuple britannique : à savoir un goût inné pour le débat démocratique vrai, envers et contre tout.
Quel poignement de cœur ne me saisit-il pas quand je pense qu’un tel article, dans un média de tout premier plan et sous la plume d’un journaliste de grand renom, est en revanche tout simplement impossible en France ! Dans le meilleur des cas, les médias français consentent de mauvaise grâce (et avec des arrière pensées calculatrices) à accorder, à dose homéopathique, un « point de vue » mal argumenté et faussement iconoclaste à telle ou telle personnalité politique connue pour son extrémisme ou pour sa complaisance avec les partis en place.
Jamais nos grands médias n’accordent de place à des analyses (et à des grands journalistes) lucides, honnêtes, démocratiques et sereines, donc réellement convaincantes - comme celles d’Ambrose Evans-Pritchard. Le regretté Maurice Allais en savait quelque chose. J’en sais moi aussi quelque chose, et vous avec moi, puisque, nonobstant la mobilisation de tous, nous n’arrivons toujours pas à obtenir un temps d’antenne dans les émissions, pourtant prétendument iconoclastes, de MM. Taddéi ou Bourdin par exemple .
Que chacun et chacune d’entre vous médite bien cet état d’asservissement des médias français et le fasse savoir tout autour de lui (ou d’elle). Car c’est là, principalement, que réside désormais le dernier verrou qui maintient les Français dans l’état d’hébétement qui empêche leur libération. Il est de notre devoir, à tous, de diffuser nos analyses, et aussi celles qui vont dans le même sens, comme cet article ci-après que je vous suggère de diffuser largement.
—-
L’article d’Ambrose Evans Pritchard auquel je fais allusion s’intitule The horrible truth starts to dawn on Europe’s leaders  et est disponible librement à la lecture en anglais sur le site Internet du Telegraph, à l’adresse http://blogs.telegraph.co.uk/finance/ambroseevans-pritchard/100008667/the-horrible-truth-starts-to-dawn-on-europes-leaders/
Pour ceux qui ne lisent pas l’anglais, je me suis essayé à une traduction que je vous propose ci-après. Elle ne vaut que ce qu’elle vaut et je ne prétends pas être un interprète hors pair.
J’espère néanmoins que cette lecture vous fortifiera dans la conviction que l’UPR est le seul mouvement politique qui ait une claire conscience des très graves enjeux du moment et qui propose aux Français la voie de sortie la plus sereine et raisonnable qui soit.
Quant à ceux qui nous critiquent, ils feraient bien de faire leur examen de conscience et d’y réfléchir à deux fois. Car le temps risque de venir vite où une sortie, en bon ordre et sans drame, de l’euro et de la funeste utopie européiste leur apparaîtra comme un moindre mal. Espérons qu’il ne sera pas alors trop tard.
L’UPR est le seul mouvement à proposer cette sortie politique et en bon ordre. À défaut d’UPR, il se pourrait bien que tout se termine en cauchemar et dans la rue, comme semble le craindre lui-même le journaliste du Daily Telegraph.
François ASSELINEAU
Lundi 22 novembre 2010



L’HORRIBLE VÉRITÉ COMMENCE À SE FAIRE JOUR SUR LES DIRIGEANTS EUROPÉENS
C’est désormais le projet européen en entier qui risque de se désintégrer, avec des conséquences stratégiques et économiques qui sont très difficiles à prévoir.
Dans un discours prononcé ce matin, le Président de l’Union européenne Hermann Van Rompuy (par ailleurs poète et versificateur de japonais et de latin) a mis en garde : si les dirigeants européens ne traitent pas correctement la crise actuelle et laissent la zone euro se fracturer, ils détruiront l’Union européenne elle-même.
« Nous sommes dans une crise de survie. Nous devons tous travailler ensemble pour faire survivre la zone euro, parce que si nous n’arrivons pas à faire survivre la zone euro, nous n’arriverons pas non plus à faire survivre l’Union européenne » a-t-il lancé.
Bien, bien. Quoi qu’il s’agisse d’un thème on ne peut plus familier aux lecteurs du Daily Telegraph, cela n’en fait pas moins un choc que d’entendre une telle confession, après toutes ces années, dans la bouche du président même de l’Europe.
Il admet que le pari d’avoir lancé une monnaie prématurée et dysfonctionnelle, ne disposant ni d’un Trésor centralisé, ni d’une fusion des dettes nationales, ni d’un gouvernement économique pour la soutenir, - et d’avoir, qui plus est, opéré ce lancement avant que les économies, les systèmes légaux, les pratiques de négociation salariales, la croissance de la productivité, et l’élasticité des économies aux taux d’intérêt, soient parvenus à un degré de convergence suffisant du nord au sud de l’Europe – eh bien ce pari est maintenant susceptible de provoquer un horrible retour de flammes.
Jacques Delors et ses compères fondateurs de l’Union économique et monétaire avaient pourtant été mis en garde par des économistes de la Commission, au début des années 90, que cette aventure insouciante ne pourrait pas fonctionner et qu’elle mènerait à une crise traumatisante. Ils ont écarté les avertissements.
Ils avaient également été prévenus que les unions monétaires n’éliminent nullement les risques : elles ne font que les transformer de risques sur les devises en risques sur les défauts de paiement. C’est pour cette raison qu’il était de la plus haute importance de disposer, dès le début, d’un mécanisme en état de fonctionnement pour résoudre les défauts sur les dettes souveraines ou les coupes obligataires, avec des règles claires pour établir le prix à payer propre pour ce type de risque.
Mais non, les maîtres de l’Union européenne n’ont rien voulu entendre. Ils ont considéré qu’il ne pourrait y avoir aucun défaut de paiement, et aucune mesure préparatoire n’a été faite, ni même autorisée, pour traiter la survenance d’une situation pourtant entièrement prévisible. À leurs yeux, la foi politique seule suffisait.
Les investisseurs qui auraient dû être mieux informés sont tombés directement de plain pied dans le piège, en achetant de la dette souveraine grecque, portugaise et irlandaise à 25-35 points de base au-dessus des Bons du Trésor. Au plus haut du boom, les fonds achetaient des bons espagnols avec un écart de 4 points de base. Maintenant, nous voyons ce qui se produit quand vous introduisez un tel aléa dans le système, et que vous fermez en outre le thermostat d’avertissement.
M. Delors avait raconté à ses collègues que n’importe quelle crise serait une « crise bénéfique », qu’elle permettrait à l’Union européenne de vaincre la résistance au fédéralisme fiscal et de rafler ainsi de nouveaux pouvoirs. Le but de l’union économique et monétaire était un but politique et non pas économique, et c’est pourquoi les objections des économistes pouvaient heureusement être passées par pertes et profits. Une fois que la monnaie unique existerait, les États membres de l’Union européenne abandonneraient leur souveraineté nationale pour lui permettre de fonctionner sur la durée. Elle conduirait ainsi inéluctablement au rêve de Jean Monnet d’un véritable État fédéral européen.
Faites donc venir la crise !
Derrière ce pari, bien sûr, il était fait l’hypothèse que n’importe quelle crise pourrait être contenue à un coût tolérable, une fois que les déséquilibres du système « même taille pour personne » typique de l’union monétaire européenne auraient déjà atteint des niveaux catastrophiques, et une fois que les bulles de crédit des pays du sud de l’Europe [baptisés le « Club Med »] et de l’Irlande se seraient effondrées. L’hypothèse était faite aussi que l’Allemagne, les Pays Bas, et la Finlande finiraient - sous l’avalanche des protestations – par se résoudre à payer la facture pour une « Transferunion ». [Union européenne fondée sur le transfert des richesses entre États membres].
Il se pourrait bien que nous soyons amenés à vérifier bientôt si ces deux hypothèses étaient correctes. Loin de lier tous ensemble les pays d’Europe, l’union monétaire mène à l’acrimonie et aux récriminations mutuelles. Nous avons assisté à une première éruption en début d’année, lorsque le vice Premier ministre grec a accusé les Allemands d’avoir volé l’or grec des chambres fortes de sa banque centrale et d’avoir tué 300.000 personnes sous l’Occupation nazie.
La Grèce est maintenant sous protectorat de l’Union européenne, ou plus pudiquement sous « Mémorandum » puisque c’est ainsi qu’on l’appelle. Ce qui a donné naissance à des attaques terroristes piqûres d’épingle contre quiconque est lié de près ou de loin aux pouvoirs européens. L’Irlande et le Portugal sont un peu plus loin en arrière sur cette route qui conduit à la servitude, mais ils sont déjà confrontés à des politiques dictées directement depuis Bruxelles et ils seront bientôt placés à leur tour sous des protectorats formels, et ce dans tous les cas.
L’Espagne a plus ou moins été forcée de réduire les salaires de la fonction publique de 5% pour se conformer aux exigences de l’Union européenne faites en mai. Tous doivent se plier au programme européen d’austérité, sans pouvoir compter sur le soulagement compensateur d’une dévaluation ou d’une politique monétaire plus accommodante.
Si tout cela continue l’année prochaine, avec un chômage à un niveau record de dépression ou même continuant à grimper encore plus haut, il va commencer à devenir important de s’interroger sur qui a la « propriété » politique sur l’ensemble de ces politiques. Est-ce vraiment le fruit d’un consentement pleinement démocratique ? Ou bien ces souffrances sont-elles imposées par des chefs suprêmes étrangers dans un but purement idéologique ? Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour comprendre ce que tout cela va faire pour que tout le monde se mette d’accord en Europe.
Mon opinion personnelle est que l’Union européenne est devenue illégitime lorsqu’elle a refusé d’accepter le rejet de la Constitution européenne par les électeurs français et néerlandais en 2005. Il ne pouvait y avoir aucune justification pour faire revivre ce texte, sous l’appellation de Traité de Lisbonne, et le faire adopter de force par une procédure parlementaire sans référendums, dans ce qui n’était au fond rien d’autre qu’un putsch autoritaire. (Oui, les parlements nationaux sont eux-mêmes élus – il n’est pas utile de m’adresser des commentaires indignés pour le souligner ; mais quel fut le motif pour que les gouvernements français et néerlandais refusent à leurs propres peuples de revoter dans ce cas précis ? Les chefs élus peuvent aussi violer la démocratie. Il y avait une fois un caporal autrichien…. mais n’entrons pas là dedans).
L’Irlande était le seul pays obligé par sa Constitution à organiser un référendum. Quand cet électorat seul a également voté Non, l’Union européenne a de nouveau négligé le résultat et a intimidé l’Irlande pour qu’elle vote une deuxième fois afin d’obtenir le « bon vote ».
C’est le comportement d’une organisation proto-Fasciste. C’est pourquoi, si l’Irlande - par une ironie de l’histoire et au nom d’une rémunération méritée – enclenche maintenant la réaction en chaîne qui va détruire la zone euro et l’Union européenne, il sera difficile de résister à la tentation d’ouvrir une bouteille de whiskey de Connemara afin de savourer le moment. Mais il faudra résister à cette tentation. Car le cataclysme ne sera pas joli.
Ma pensée personnelle, pour tous ces vieux amis qui travaillent toujours pour les institutions de l’Union européenne, est de savoir ce qui va arriver à leurs euro-retraites si ce qu’annonce M. Van Rompuy se vérifie.
Ambrose EVANS PRITCHARD
Daily Telegraph
16 novembre 2010


samedi 20 novembre 2010

L'Europe des peuples ou des lobbyistes ?

Le saviez vous...

"Quelques chiffres : 


"Bruxelles est aujourd'hui, avant Washington, la ville au monde qui compte le plus de groupes de pression, de représentants d'organisations non gouvernementales et de cabinets de lobbying (...). On recense plus de 15 000 lobbyistes pour 25 000 fonctionnaires."
Extraits de : Conseil d'Etat, Rapport public 2007.

Source : Le processus européen de décision après le traité de Lisbonne, Florence Chaltiel.

vendredi 19 novembre 2010

L’UE et les « hedge funds » :… régulation ou abandon du territoire européen ?

A grand renfort de trompettes, l’Union européenne vient d’adopter une réglementation des hedge funds pour encadrer le risque systémique qu’ils font courir à l’économie. En réalité, observe Jean-Claude Paye, la nouvelle directive est une passoire qui aura un effet inverse à celui qui est annoncé. Son objectif réel est de contrôler sommairement les fonds européens, tout en ouvrant la porte aux fonds états-uniens qui, eux, pourront spéculer sans limite au détriment des Européens.

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La City de Londres, cheval de Troie de la prédation capitaliste états-unienne dans l’Union européenne. 

À la différence des institutions financières, banques, assurances, entreprises d’investissement qui font appel publiquement à l’épargne, les hedge funds n’ont pas de contrôleurs spécifiques. Ils peuvent utiliser pleinement les exemptions prévues par les textes réglementaires. Cependant, si les fonds spéculatifs ne sont pas la cause de la crise actuelle, mais bien l’assouplissement des conditions du crédit bancaire et la création monétaire qu’il induit, le risque systémique que les hedge funds font courir à l’ensemble du système financier a été mis en lumière. En effet, afin d’obtenir des performances élevées, ils ont recours à un effet de levier. Ils empruntent massivement aux banques, afin de compenser la faiblesse de leur mise et induisent ainsi, en cas de problème, un effet multiplicateur sur les déséquilibres
En n’encadrant pas la possibilité offerte de s’endetter et de créer des bulles financières, l’Union européenne évite de s’attaquer à la question essentielle. La directive sur les hedge funds désigne formellement un bouc émissaire, les fonds spéculatifs, dont, cependant, il n’accroît pas la surveillance, mais, au contraire, élimine, dans les faits, les possibilités de contrôle des autorités nationales à leur égard.

Une régulation en trompe l’œil
Ce projet fait simplement semblant d’exercer un contrôle sur les hedge funds [1] et ne construit pas de surveillance au niveau communautaire. Il ne constitue pas un pas en avant dans la création d’un espace financier européen. Au contraire, la directive étend le niveau national d’accréditation de ces fonds, en permettant aux organismes domiciliés dans un État membre d’avoir, sans autorisation de chaque autorité nationale, accès à l’ensemble des territoires nationaux composant l’UE. À l’inverse de l’effet annoncé, le texte renforce la nation dominante au niveau financier et, ainsi, la position de la City londonienne qui gère la plupart des fonds spéculatifs situés sur le sol européen.
La directive est également présentée comme s’inscrivant dans la lutte contre les paradis fiscaux, alors que, en réalité, par le biais de la City, elle leur ouvre la porte de l’Union européenne, sans aucun contrôle de la part des États membres, hormis celles, bienveillantes, des autorités anglaises.
Après avoir été acceptée le 26 octobre [2], la proposition de directive AIFM (Alternative Investment Fund Manager) [3], a été finalement votée par le Parlement européen ce 11 novembre 2010. Il est demandé à l’assemblée de légitimer un texte cadre qui donne des pouvoirs discrétionnaires à la Commission. La directive laisse une grande marge de manœuvre à la Commission pour déterminer ou pour ne pas préciser les points clefs de la législation, telle la fixation des niveaux maximaux de levier, les procédures d’évaluation, les restrictions des opérations de ventes à découvert et cela au moment de la mise en place de la directive, mais aussi après son installation [4]. Il s’agit, pour le Parlement de donner un chèque en blanc à la Commission, ainsi qu’à « l’auto-régulation » du système financier.
Le texte fixe formellement un cadre européen aux hedge funds, en mettant en place un « passeport » permettant la commercialisation des fonds dans toute l’UE, sans devoir obtenir une autorisation dans chaque pays. Les gestionnaires européens pourront librement commercialiser leurs fonds à partir de 2013. Le passeport sera octroyé aux organismes offshore en 2015. Il sera réservé à ceux relevant de pays signataires d’accords de coopération fiscale et de lutte contre le blanchiment.
La question du « passeport » était au cœur des négociations sur la directive AIFM. Elles ont été entamées il y a un an et demi entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen. Le conflit a formellement opposé le Royaume-Uni, réticent à toute forme de régulation des hedge funds, à la France et au Parlement de l’UE.
Un sésame donnant accès à l’ensemble du marché européen
Si le passeport donne accès à l’ensemble du territoire européen, il dépendra exclusivement d’autorités de supervision nationales. Il sera fourni par l’Autorité de supervision du pays d’origine, une fois celle-ci assermentée par la future Autorité de régulation communautaire des marchés financiers (ESMA). Celle-ci sera opérationnelle début 2011. L’ESMA gérera en outre le registre des managers de fonds autorisés à opérer dans l’Union. Elle disposera d’un pouvoir d’arbitrage en cas de conflit entre autorités nationales sur la nature et les garanties données par un fonds.
Comme toute place financière située dans un État membre, la City de Londres, où sont domiciliés 70 à 80 % des hedge funds, sera seulement dépendante de la structure de contrôle britannique. Ainsi, au lieu de former un cadre régulateur européen, la directive favorise la concurrence entre les États membres. Rien n’empêchera les gestionnaires de choisir leur pays d’enregistrement en fonction du degré de complaisance des autorités nationales à leur égard.
Les gestionnaires de fonds ont maintenant l’obligation de définir un levier d’endettement maximum. Cette information est transmise aux autorités nationales du pays européen où le gestionnaire est enregistré. Mais, rien, dans la directive, n’oblige celle-ci à agir lorsque le levier est jugé excessif. Et l’ESMA, le régulateur européen des marchés financiers, n’aura pas non plus le pouvoir de contraindre l’autorité nationale à le faire.
La directive ne se donne pas les moyens de contrôler réellement le niveau d’endettement. Or, c’est celui-ci qui est à l’origine du risque systémique induit par les fonds spéculatifs. En effet, ils ont très peu de capitaux propres et empruntent massivement auprès des banques. Il en résulte une capacité d’action démultipliée sur les marchés, sans commune mesure avec leurs capitaux.
Dans les faits, la directive ne touche pas au levier d’endettement, elle oblige simplement les fonds spéculatifs à le communiquer à leurs autorités de contrôle, sans obligation de la part de ces dernières d’intervenir en cas de problème. Il s’agit surtout de maintenir l’indépendance de l’ensemble du système financier. Comme le fait remarquer Guido Bolliger, chief Investment Officer d’Olympia Capital Management [5] : « plutôt que de passer par une directive, il aurait été plus simple de contraindre l’effet de levier que les banques d’investissement peuvent allouer aux hedge funds en augmentant la charge de capital sur le levier accordé dans les opérations de prime brokerage »

Une domination de la finance anglo-saxonne
Une disposition de l’accord se présente comme un moyen pour lutter contre les paradis fiscaux. Les fonds spéculatifs, situés dans des pays qui n’assurent pas un échange effectif d’informations, notamment fiscales, ne pourront plus être commercialisés dans l’Union européenne. La question est d’importance quand on sait que 80 % des hedges funds sont situés dans ces centres offshores.
Cependant, suite aux pressions de Londres, le texte final limite le champ de la directive à la commercialisation dite « active ». Cela signifie concrètement que rien n’empêchera un investisseur européen, une banque, une compagnie d’assurance, un organisme de placement collectif, d’acheter des parts de fonds, situés hors de l’Union européenne, qui n’auraient pas obtenu le passeport européen pour non-respect des critères de la directive. Cette disposition donne ainsi accès au territoire européen aux capitaux placés dans les paradis fiscaux en relation avec la City, tels les territoires anglo-normands et les îles Caïmans ou par exemple, ceux gérés directement par les Etats-Unis, tel le Delaware.
Il s’agit d’une violation de l’esprit de la législation car dans ce cas, aucune information ne sera transmise aux régulateurs qui ne pourront ainsi pas évaluer l’exposition au risque des « investisseurs » européens. Mais, il s’agit surtout d’un nouvel abandon des pays membres de l’UE à la toute puissance de la finance anglo-saxonne. Ce n’est pas la possibilité formelle, pour un État membre de l’UE, de déposer recours devant l’ESMA, en cas de différend avec l’autorité nationale d’un pays tiers, qui pourra modifier le rapport de forces.
Cette directive s’inscrit ainsi dans la structuration des marchés financiers, révélée par le G20 d’avril 2009 sur « la lutte contre la fraude fiscale » [6], c’est à dire dans la légitimation de la main-mise anglo-saxonne sur la finance européenne. Cependant, si la primauté de la City au niveau de l’Union européenne, en ce qui concerne la gestions des fonds spéculatifs, est écrasante (80 % de l’industrie de ces fonds est britannique, contre 5 % pour la France), cette puissance doit être relativisée. Les fonds anglais représentent 212 milliards de dollars, relativement à un montant de 1 000 milliards de dollars pour ceux situés aux USA. Ainsi, la place londonienne apparaît avant tout comme le cheval de Troie des hedges funds étasuniens.
* Jean-Claude Paye Sociologue.
Derniers ouvrages publiés : La Fin de l’État de droit,
La Dispute 2004 ; Global War on Liberty, Telos Press 2007.



[1] « Quand l’Europe fait semblant de réguler les fonds spéculatifs », Blog Libération, le 26 octobre 2010.
[2] « Les 27 enfin d’accord sur la régulation des hedge funds », par Clémentine Forissier, EurActiv.fr, le 20 octobre 2010.
[3] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissements alternatifs et modifiant les directives, 2004/39/CE et 2009/…/CE.
[4] « Comment réguler les hedge funds ? », par David Thesmar, Telos, le 18 février 2009.
[5] « La régulation européenne des hedge funds, vers des anomalies dangereuses pour le secteur », par Imen Hazgui . Easybourse.com, le 11 mai 2010.
[6] Lire : « Le G 20, une hiérarchisation des marchés financiers » et « UBS et l’hégémonie du dollar », par Jean-Claude Paye, Réseau Voltaire, 9 avril et 21 octobre 2009 .
** La gestion alternative est un mode de gestion de portefeuille appliqué par certains fonds d’investissement dits « fonds alternatifs » ou « fonds de couverture », ou hedge funds. L’investissement minimal est relativement élevé : de quelques dizaines de milliers de dollars parfois, à plusieurs centaines de milliers plus souvent, suivant les fonds. De plus, n’étant par essence pas aussi régulés que les fonds de placement classiques ils ne peuvent être distribués au grand public et sont réservés à la catégorie des investisseurs institutionnels ou aux grandes fortunes.


mercredi 17 novembre 2010

La propagande monétariste-européiste de la BCE


 ...Et elle est où la vidéo sur le chômage qui va avec ? 
Parfaite vidéo de propagande qui a pour but d'inculquer aux plus jeunes le dogme néolibéral selon lequel l'Etat, la collectivité publique, n'a pas à s'occuper d'économie et ne peut pas agir par la politique économique : le marché aurait ses "lois" aussi infaillibles que celles de la physique.

C'est la chuuuuuuuuuute finaaaaaaale






Source : Khalemvidéo

samedi 13 novembre 2010

La trahison des élites (syndicales)



"Méridien Zéro recevait Patrick GOFMAN (ancien militant de l’extrême gauche trotsksyte, journaliste, auteur... ), ARGAEL (chercheur en sciences sociales) et Mr K."

Petit rappel pour ceux qui auraient des doutes : La CFDT a soutenu le oui au référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen. Bernard Thibault l’a soutenu contre ses bases.

Source : http://meridienzero.hautetfort.com/

vendredi 12 novembre 2010

François Asselineau remet Nicolas Baverez à sa place


"L'Europe est un étage totalement inefficace, ça me fait d'ailleurs assez sourire : on parle actuellement de vouloir supprimer dans le mille feuille administratif un étage; certains veulent supprimer le département...nous nous voulons supprimer l'étage européen qui ne sert à rien"



L'Europe, idiote utile de la guerre des monnaies


Source : http://minuit-1.blogspot.com/

jeudi 11 novembre 2010

Du protectionnisme au libre-échangisme, une conversion opportuniste

Comment les puissants sont réellement devenus puissants


Présenté comme une panacée pour le développement, le libre-échange constitue la référence commune à toutes les organisations multilatérales (Fonds monétaire international, Organisation mondiale du commerce, Banque mondiale) et aux institutions européennes. L’histoire économique démontre pourtant qu’il s’agit là d’un mythe sans fondement, les pays libre-échangistes, en premier lieu les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ayant bâti leur puissance sur un protectionnisme qu’ils diabolisent après-coup.

Par Ha-Joon Chang

Les libre-échangistes ont remporté des victoires significatives au cours des deux dernières décennies. Depuis le début de la crise de la dette de 1982 et de l’imposition des programmes d’ajustement structurel par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, de nombreux pays en voie de développement ont radicalement libéralisé leur commerce. L’effondrement du communisme, en 1991, a ouvert de nouveaux et vastes espaces au libre-échange. Pendant les années 1990, d’importants accords régionaux ont été signés, dont l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) qui regroupe le Canada, les Etats-Unis et le Mexique. Pour couronner le tout, les négociations du cycle de l’Uruguay de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), conclues à Marrakech en 1994, ont débouché sur la naissance de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995.
Si importants que soient ces succès, les libre-échangistes ne s’en satisfont pas. Au sein de l’OMC, représentants des Etats développés en tête, ils continuent à faire pression pour des baisses des tarifs douaniers encore plus fortes et plus rapides, et un élargissement de la compétence de cette organisation à des domaines ne figurant pas dans son mandat initial, par exemple l’investissement à l’étranger et la concurrence.
Les partisans du libre-échange croient agir dans le sens de l’histoire. Selon eux, cette politique est à l’origine de la richesse des pays développés ; d’où leur critique des pays en voie de développement qui refusent d’adopter une recette aussi éprouvée. Rien n’est pourtant plus éloigné de la réalité. Les faits historiques sont sans appel : quand les pays actuellement développés étaient encore en développement, ils n’ont mené pratiquement aucune des politiques qu’ils préconisent. Et nulle part l’écart entre le mythe et la réalité historique n’est aussi flagrant que dans les cas de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis.

Grande-Bretagne et Etats-Unis protègent leur industrie

La Grande-Bretagne, pour commencer par elle, n’est aucunement le parangon de libre-échange souvent invoqué. Tout au contraire, elle a utilisé avec agressivité et même, dans certains cas, inventé des politiques dirigistes pour protéger et promouvoir ses industries stratégiques. De telles politiques, bien que d’ampleur limitée, remontent au XIVe siècle (Edouard III) et au XVe (Henri VII) pour la principale industrie de l’époque, celle de la laine. Le pays exportait alors la fibre brute aux Pays-Bas, situation que différents monarques s’efforcèrent de modifier, notamment par des mesures de protection des manufacturiers nationaux, par la taxation des exportations de laine brute et par l’organisation de la « fuite » vers la Grande-Bretagne d’ouvriers qualifiés hollandais  (1).
Entre 1721, date de la réforme de la politique commerciale par Robert Walpole, le premier des premiers ministres britanniques, et l’abrogation des lois sur le blé en 1846, le royaume pratiqua une politique commerciale particulièrement volontariste. Pendant cette période, il utilisa activement les protections douanières, les baisses de tarifs pour les intrants nécessaires aux exportations, le contrôle de qualité des exportations par l’Etat, toutes mesures que l’on associe généralement aujourd’hui au Japon et aux autres pays d’Asie orientale.
La Grande-Bretagne fit un pas décisif, bien qu’incomplet, vers le libre-échange avec l’abrogation des lois sur le blé en 1846 (2). On considère généralement que cette mesure marque la victoire ultime de la doctrine libérale classique sur un mercantilisme borné. Mais certains historiens spécialistes de cette période y voient plutôt un acte d’« impérialisme libre-échangiste » destiné à « stopper les progrès de l’industrialisation du continent en y élargissant le marché des produits agricoles et des matières premières  (3) ». C’est d’ailleurs l’argumentation que déployèrent à l’époque les principaux porte-parole de l’Anti-Corn Law League (Ligue contre les lois céréalières), en particulier le député Robert Cobden.
En bref, et contrairement aux idées reçues, l’avance technologique de la Grande-Bretagne, qui lui permit de se convertir au libre-échange, avait été acquise « à l’abri de barrières tarifaires élevées, maintenues sur une longue période », comme l’écrivit le grand historien de l’économie Paul Bairoch  (4). C’est pour cette raison que Friedrich List, économiste allemand du XIXe siècle, considéré à tort comme le père de l’argumentation en faveur de la protection des « industries dans l’enfance », fit valoir que les prêches britanniques en faveur du libre-échange faisaient penser à celui qui, parvenu au sommet d’un édifice, renvoie l’échelle à terre d’un coup de pied afin d’empêcher les autres de le rejoindre (kicking away the ladder).


Si la Grande-Bretagne fut le premier pays à lancer avec succès une stratégie de promotion à grande échelle de ses « industries dans l’enfance », c’est aux Etats-Unis, « patrie et bastion du protectionnisme moderne », pour reprendre l’expression de Paul Bairoch (5), que sa justification fut initialement élaborée par Alexander Hamilton, premier secrétaire au Trésor de l’histoire du pays (de 1789 à 1795), et par l’économiste maintenant oublié Daniel Raymond. Friedrich List, à qui l’on attribue cette théorie moderne du protectionnisme, n’en prit en fait connaissance que pendant son exil aux Etats-Unis, dans les années 1820. De nombreux intellectuels et responsables politiques américains du XIXe siècle avaient parfaitement compris que le libre-échange n’était pas adapté à leur pays, même si cela allait à l’encontre des avis de grands économistes de l’époque, tels Adam Smith et Jean-Baptiste Say, qui considéraient que les Etats-Unis ne devaient pas protéger leurs industries manufacturières, et avaient tout intérêt à se spécialiser dans l’agriculture.
Entre les années 1830 et la fin de la seconde guerre mondiale, les droits de douane moyens des Etats-Unis sur les importations de produits industriels furent parmi les plus élevés du monde. Si l’on ajoute que ce pays bénéficiait déjà d’un haut degré de protection « naturelle » en raison du coût des transports jusqu’aux années 1870, on peut dire que les industries américaines furent littéralement les plus protégées du monde jusqu’en 1945. La loi Smoot-Hawley de 1930 sur les nouveaux tarifs douaniers n’accrut qu’à la marge le niveau de protectionnisme de l’économie. Le tarif douanier moyen sur les produits industriels en résultant était de 48 %, ce qui se situait dans le haut de la fourchette, mais toujours dans la fourchette, des tarifs douaniers moyens depuis la guerre de Sécession. C’est seulement par rapport au bref intermède « libéral » de 1913 à 1929 que le tarif de 1930 peut être considéré comme un renforcement du protectionnisme, alors que le tarif moyen fut seulement augmenté de 11 %, passant de 37 % à 48 %.
Dans ce contexte, il faut rappeler que l’enjeu de la guerre de Sécession fut autant, sinon davantage, la question des tarifs douaniers que celle de l’esclavage. De ces deux questions, c’est celle des tarifs qui menaçait le plus le Sud. Abraham Lincoln était un protectionniste notoire qui avait fait ses premières armes dans l’ombre de l’homme politique charismatique qu’était Henry Clay  (6), du parti Whig, avocat du « système américain » - fondé sur le développement des infrastructures et le protectionnisme -, et ainsi nommé parce que le libre-échange correspondait aux intérêts « britanniques ». De plus, Lincoln pensait que les Noirs constituaient une race inférieure et que leur émancipation n’était qu’une proposition idéaliste sans perspective d’application à bref délai. Dans sa réponse à l’éditorial d’un journal qui préconisait l’émancipation immédiate des esclaves, il alla jusqu’à écrire : « Si je pouvais sauver l’Union sans libérer aucun esclave, je le ferais ; et si je pouvais la sauver en les libérant tous, je le ferais ; et si je le pouvais en en libérant certains et en laissant les autres là où ils sont, je le ferais aussi  (7). » Sa proclamation d’émancipation du 1er janvier 1863 relevait donc moins de la conviction morale que d’une stratégie visant à gagner la guerre civile.
C’est seulement après la seconde guerre mondiale, leur suprématie industrielle étant fermement assurée, que les Etats-Unis libéralisèrent leurs échanges commerciaux (moins franchement, toutefois, que les Britanniques au milieu du XIXe siècle) et commencèrent à se faire les champions du libre-échange, démontrant à leur tour la validité de la métaphore de List. Ulysses Grant, héros de la guerre de Sécession et président des Etats-Unis de 1868 à 1876, avait anticipé cette évolution : « Pendant des siècles, l’Angleterre s’est appuyée sur la protection, l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes limites, et en a obtenu des résultats satisfaisants. Après deux siècles, elle a jugé commode d’adopter le libre-échange, car elle pense que la protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, Messieurs, la connaissance que j’ai de notre pays me conduit à penser que, dans moins de deux cents ans, lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout ce qu’elle a à offrir, elle adoptera aussi le libre-échange (8). »
Des conclusions identiques peuvent être tirées de l’histoire d’autres pays développés. Au moment où ils tentaient de combler leur retard sur plus développés qu’eux, pratiquement tous utilisèrent les droits de douane, les subventions et d’autres outils politiques pour promouvoir leurs industries. Il est piquant de noter que ce sont les deux puissances anglo-saxonnes - censées être les bastions du libre-échange - et non pas la France, l’Allemagne et le Japon, pays considérés comme les tenants de l’interventionnisme étatique, qui utilisèrent le plus agressivement les protections tarifaires. Pendant le XIXe siècle et au début du XXe, les droits de douane furent relativement faibles en France et en Allemagne (autour de 15 % à 20 %), et ceux du Japon furent plafonnés à 5 % jusqu’en 1911, aux termes de traités léonins. Pendant la même période, les tarifs douaniers moyens sur les produits industriels des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne s’inscrivent dans une fourchette située entre 40 % et 50 %...

Des lois sur les brevets tournées en dérision

Les seules exceptions à ce modèle historique sont la Suisse et les Pays-Bas. Il s’agit cependant de pays qui avaient atteint la frontière du développement technologique dès le XVIIIe siècle, et qui n’avaient donc pas besoin de fortes protections. Il faut savoir également que les Pays-Bas avaient déployé une batterie impressionnante de mesures interventionnistes jusqu’au XVIIe siècle, afin de construire leur suprématie commerciale et maritime. Quant à la Suisse, elle n’eut pas de législation sur les brevets avant 1907, tournant ainsi en dérision l’importance que l’orthodoxie actuelle accorde à la protection de la propriété intellectuelle. Plus significativement, les Pays-Bas abrogèrent en 1869 leur loi de 1817 sur les brevets, au motif que ces derniers constituaient des monopoles créés par l’Etat, et étaient donc en contradiction avec les principes du marché libre, raisonnement qui semble échapper aux économistes libre-échangistes qui soutiennent l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (Adpic, ou Trips en anglais) de l’OMC. Ils attendirent 1912 pour se doter d’une nouvelle législation sur les brevets.
Si les protections tarifaires constituèrent un ingrédient crucial des stratégies de développement de nombreux pays, elles n’en furent pas pour autant la seule composante, ni nécessairement la plus importante. De nombreux autres outils ont été utilisés à cet effet : subventions aux exportations, allégement de droits de douane pour les importations nécessaires aux exportations, octroi de monopoles, cartels, crédits sur mesure, planification des investissements et des flux de main-d’œuvre, soutien à la recherche-développement, promotion d’institutions favorisant le partenariat public-privé, etc. On croit souvent que toutes ces mesures ont été inventées par le Japon et les pays d’Asie orientale après la seconde guerre mondiale, alors que beaucoup d’entre elles avaient déjà une longue histoire. Enfin, même s’ils partagent les mêmes principes de base, les pays développés ont combiné de façon très diverse les outils de politique commerciale et de politique industrielle : contrairement à ce que pensent la plupart des économistes libre-échangistes, il n’existe pas de modèle unique pour le développement industriel.
Le tout petit nombre d’entre eux qui connaissent le passé protectionniste des pays développés d’aujourd’hui font valoir que ces politiques ont peut-être eu quelques conséquences positives (très peu, insistent-ils), mais que, dans notre monde globalisé, elles sont nuisibles. Ils affirment que la supériorité du libre-échange a été amplement démontrée par la croissance record des deux dernières décennies de libéralisation des échanges : elle aurait été supérieure à celle des décennies précédentes, où le protectionnisme était la norme dans les pays en développement. Malheureusement pour eux, les faits racontent une tout autre histoire.
Si le libre-échange était si efficace, la croissance économique aurait dû s’accélérer au cours des vingt dernières années, parallèlement aux mesures de libéralisation commerciale. Or les faits sont là : pendant les années 1960 et 1970, quand il existait bien davantage de protections et autres régulations, l’économie mondiale progressait beaucoup plus vite qu’aujourd’hui. Dans ces « temps heureusement révolus », le revenu mondial par tête croissait d’environ 3 % par an, contre seulement 2,3 % au cours des deux dernières décennies. Dans les pays développés, la croissance du revenu par tête a reculé de 3,2 % à 2,2 % de 1960-1980 à 1980-1999, cependant qu’elle chutait de moitié (de 3 % à 1,5 %) dans les pays en développement. Et, au cours de cette dernière période, sans les fortes performances de la Chine et de l’Inde - deux pays qui n’ont absolument pas suivi les recettes libérales - le taux moyen aurait encore été plus faible.
De plus, ce taux est loin de rendre compte de l’ampleur de la crise qui a frappé de nombreux pays en développement pendant les deux dernières décennies. Pendant ces années, la croissance du revenu par tête a été pratiquement nulle en Amérique latine : 0,6 %, contre 3,1 % de 1960 à 1980. Même dégringolade au Proche-Orient et en Afrique du Nord (- 0,2 % par an) et en Afrique subsaharienne (- 0,7 % par an, contre respectivement 2,5 % et 2 % de 1960 à 1980). Depuis le début de leur transition vers le capitalisme, la plupart des anciens pays communistes ont connu les plus brutales chutes de niveau de vie de l’histoire moderne.
En bref, l’expérience néolibérale des deux dernières décennies s’est tout simplement révélée incapable de tenir sa principale promesse : l’accélération de la croissance. C’est pourtant en son nom que l’on nous avait demandé de sacrifier tout le reste, de la simple équité à l’environnement. Malgré ce lamentable échec, le dogme néolibéral sur les vertus du libre-échange continue à s’imposer grâce à un appareil économico-politico-idéologique qui, par son ampleur et son pouvoir, n’a d’équivalent que celui de la papauté au Moyen Age.

Médias et gouvernements dans l’étau néolibéral

Par leur emprise sur les gouvernements des pays développés les plus influents, en premier lieu les Etats-Unis et le Royaume-Uni, les néolibéraux sont en mesure de peser sur l’ordre du jour politique des institutions multilatérales, particulièrement la « sainte trinité » -  
FMI,


 Banque mondiale

OMC.  
Faisant la pluie et le beau temps dans les médias dominants de l’ensemble du monde, ils ont pu édulcorer et éventuellement occulter les informations qui les gênaient, notamment les chiffres catastrophiques de la croissance. Comme ils occupent les positions de pouvoir dans les départements d’économie des universités les plus réputées du monde, ils veillent à ce qu’aucun économiste dissident n’y soit admis, afin qu’il ne bénéficie pas du prestige académique que cela lui conférerait.
Dans les pays en voie de développement, l’étau néolibéral est encore plus resserré. Beaucoup de gouvernements se trouvent contraints de suivre les politiques du FMI, de la Banque mondiale et des principaux Etats bailleurs de fonds, dont le soutien financier leur est indispensable, même si ces politiques ne font que perpétuer la crise de développement à la racine de leur dépendance. Il faut dire qu’elles bénéficient également à de puissants intérêts locaux : les exportateurs de produits de base et leurs prestataires de services professionnels. Les propositions de politiques alternatives y sont de plus en plus rares, car les intellectuels n’ont pas suffisamment confiance en eux pour contester l’orthodoxie. Certains d’entre eux ont même fait défection pour l’autre camp, ce qui n’a rien de surprenant quand on sait qu’une consultation pour le FMI ou la Banque mondiale équivaut à plusieurs années de salaire dans les universités de la plupart des pays en développement.
Contrôlant ainsi l’agenda politique et intellectuel, les néolibéraux ont toute latitude pour ravaler ceux qui les critiquent au rang de mollassons pusillanimes effrayés à l’idée de créer des inégalités à court terme qui procureront une plus grande richesse pour tous à long terme. Quand ils ne les traitent pas d’illettrés économiques, incapables de comprendre ce qui se passe... De cette manière, tout débat sérieux peut être évité, et les dissidents sont systématiquement ignorés, ce qui renforce la domination libérale.
Dans ces conditions, quel est l’avenir du libre-échange ? Contrairement à ce que prétendent ses partisans, il existe d’excellentes raisons théoriques donnant à penser que la liberté des échanges entre pays aux niveaux de productivité très différents peut, à court terme, bénéficier aux plus pauvres d’entre eux en leur ouvrant des débouchés à l’exportation, mais que, en même temps, elle hypothèque leur développement à long terme en les cantonnant dans des activités de faible productivité. C’est ce qu’avaient parfaitement compris les décideurs politiques des pays désireux de rattraper les pays plus développés qu’eux - de Robert Walpole et Alexander Hamilton, au XVIIIe siècle, aux bureaucrates japonais et coréens des années 1960 et 1970 - lorsqu’ils rejetèrent la voie du libre-échange.
Les accords de libre-échange impliquant des pays de niveaux de productivité très différents sont, à terme, voués à l’échec car les pays pauvres prendront conscience que le développement n’y trouve pas son compte. Les accords entre pays de niveau de développement comparable, comme le Mercosur en Amérique du Sud et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Anase)  (9), dont les membres sont, pour la plupart, en voie de développement, ont davantage de chances de réussir que le projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) que veut absolument mettre en place M. George W. Bush. Friedrich List ne voyait aucune contradiction entre son soutien au Zollverein, l’union douanière allemande, et à la protection des « industries dans l’enfance », car il considérait que les Etats allemands avaient des niveaux de développement suffisamment proches.
La seule méthode pour que fonctionne correctement une zone de libre-échange entre pays de niveaux de développement très différents est une intégration du type de l’Union européenne, impliquant des mécanismes de transfert des plus riches vers les plus pauvres, et des flux de main-d’œuvre de ces derniers vers les zones les plus développées. Cela n’est réellement possible que si les économies pauvres sont petites et peu nombreuses par rapport aux économies riches. Si tel n’est pas le cas, les riches trouveront l’accord trop coûteux pour elles, et c’est d’ailleurs pourquoi l’élargissement de l’UE risque de s’arrêter aux frontières de la Turquie et de l’Ukraine.
L’OMC n’est pas encore un accord de libre-échange intégral, puisqu’elle autorise certaines protections pour les industries des pays en développement. La pression ne fait cependant que croître pour des baisses de tarifs, notamment avec la proposition américaine de les supprimer tous en 2015. Dans une telle hypothèse, la capacité de nuisance de l’OMC sur le développement des pays les plus pauvres serait encore plus forte que celles de l’Alena ou de la ZLEA, car les différences de niveaux de productivité y sont encore plus considérables.

Une oligarchie de pays riches

L’OMC a cependant des compétences beaucoup plus vastes que celles des accords de libre-échange : elle traite de la propriété intellectuelle, des marchés publics et de l’investissement. D’où les risques supplémentaires qu’elle fait courir au développement des pays pauvres. Malgré cela, la plupart d’entre eux veulent continuer à en faire partie. Ils la tiennent en effet pour un moindre mal, dans la mesure où elle leur permet de se faire entendre dans le fonctionnement du système commercial international, chaque Etat disposant, en théorie, d’une voix. Elle leur accorde une protection minimale contre les pressions bilatérales en faveur de la libéralisation de leurs échanges venant des pays développés, principalement des Etats-Unis.
Cette situation pourrait bien ne pas durer en raison du ressentiment des pays en développement à l’égard du fonctionnement réel de l’OMC : apparemment « démocratique », elle est en fait dirigée par une oligarchie de pays riches. Non pas simplement parce que ces derniers disposent du pouvoir implicite de cajoler ou de menacer les plus faibles, cas de figure classique dans une démocratie composée d’acteurs de poids inégal. Le problème est qu’ils ne se donnent même pas la peine de sauver les apparences, comme on le constate dans les réunions dites du « salon vert » où les représentants des pays en développement ne sont pas invités, et auxquelles on leur interdit l’accès s’ils se présentent à la porte !
Si l’OMC continue à priver les pays pauvres des outils de leur développement, leur départ en masse ne saurait être totalement exclu. A l’inverse, ils pourraient tenter d’utiliser pleinement les mécanismes démocratiques de l’Organisation en vue d’en renégocier les paramètres fondamentaux. Dans cette hypothèse, les pays les plus puissants, et tout particulièrement les Etats-Unis qui ont érigé l’unilatéralisme en doctrine, pourraient décider de quitter l’OMC plutôt que de risquer la défaite dans un scrutin. Dans les deux cas, c’en serait fini du libre-échange tel que nous le connaissons. Et ce ne serait pas nécessairement à regretter, tant est déplorable son bilan des deux dernières décennies.

Ha-Joon Chang.

Professeur à la faculté d’économie et de politique de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) ; auteur de Kicking Away the Ladder. Development Strategy in Historical Perspective, Anthem Press, Londres, 2002 (Prix Gunnar Myrdal 2003).


(1) Dans un livre presque oublié, A Plan of the English Commerce (1728), Daniel Defoe, auteur de Robinson Crusoé, montre comment les Tudor, particulièrement Henri VII (1485-1509) et Elisabeth Ire (1558-1603), ont, par l’intervention délibérée de l’Etat, doté l’Angleterre de la plus puissante industrie lainière du monde alors qu’elle se contenta longtemps d’exporter ses fibres brutes vers les Pays-Bas.
(2) Votées en 1815 par un Parlement sous la coupe de l’aristocratie foncière, et malgré l’opposition des industriels et de la bourgeoisie urbaine, ces lois imposaient des tarifs douaniers très élevés aux importations de blé du continent.
(3) Charles Kindleberger, « Germany’s Overtaking of England, 1806 to 1914 », dans Economic Response : Comparative Studies in Trade, Finance and Growth, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, 1978.
(4) Paul Bairoch, Mythes et paradoxes de l’histoire économique, La Découverte, Paris, 1995.
(5) Ibid.
(6) Henry Clay était aussi l’un des dirigeants de l’American Colonization Society, fondée en 1817, et qui conçut l’idée de fonder un foyer national en Afrique pour les esclaves libérés. D’où le nom de Liberia donné à la nouvelle République d’Afrique de l’Ouest en 1820.
(7) John Garraty et Mark Carnes, The American Nation. A History of the United States, 10e édition, Addison Wesley Longman, New York, 2000.
(8) Ibid.
(9) Le Mercosur regroupe l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Un accord de libre-échange lie également les pays de l’Anase : Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar (Birmanie), Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. Parmi eux, seul Singapour est un pays réellement développé, la richesse du sultanat de Brunei reposant exclusivement sur le pétrole.

 Source : Le Monde Diplomatique.

mercredi 10 novembre 2010

La fallacieuse théorie du libre échange et la diabolisation du protectionnisme

Le modèle de la théorie des coûts comparés de Ricardo, 


décrit en 1817, dans son ouvrage  On the principles of Political Economy repose sur une hypothèse essentielle, à savoir que la structure des coûts comparatifs dans les divers pays reste invariable au cours du temps. Or, il n’en est ainsi que dans le cas des ressources naturelles. Ainsi, par rapport à l’Europe occidentale, les pays producteurs de pétrole disposent d’un avantage comparatif qui restera le même dans un avenir prévisible. De même, les produits tropicaux ont un avantage comparatif qui ne saurait disparaître.

La théorie des coûts comparés est fondée sur l’immobilité des facteurs de production
En revanche, dans le domaine industriel, aucun avantage comparatif ne saurait être considéré comme permanent. Chaque pays aspire légitimement à rendre ses industries plus efficaces et il est souhaitable qu’il puisse y réussir. Il résulte de là que l’arrêt de certaines activités dans un pays développé, en raison des désavantages relatifs d’aujourd’hui, pourra se révéler demain complètement stupide, dès lors que ces désavantages relatifs disparaîtront. Il faudrait alors rétablir ces industries, mais entre-temps on aura perdu le savoir-faire.
Voir : Les théories de la mondialité par Gérard Dussouy
http://www.polemia.com/article.php?id=2347

La théorie de Ricardo ne vaut que dans un monde stable et figé. Elle n’est pas valable dans un monde dynamique, où les fonctions de production et les salaires évoluent au cours du temps, où les capitaux peuvent se déplacer librement et où les industries peuvent être délocalisées.
Selon la théorie de Ricardo, le libre échange n’est justifié que si les taux de change correspondent à l’équilibre des balances commerciales. Or, c’est l’importance des flux financiers spéculatifs et des mouvements de capitaux qui expliquent l’extraordinaire instabilité des cours du dollar, du yen ou de l’euro. La prétendue régulation par les taux de change flottants des balances commerciales n’a donc aucune signification aujourd’hui.

Or capital et main d’œuvre sont de plus en plus mobiles
De tous les dogmes économiques, le libre-échange est celui sur lequel les néo-libéraux sont le plus intraitables. Formulé il y a presque deux siècles dans le contexte théorique de l’immobilité des facteurs de production (capital et travail) et de la division internationale du travail, il est toujours présenté comme le nec plus ultra de la modernité, et comme la recette du développement et de la croissance. Ses hérauts ont réussi le tour de force de le pérenniser dans un contexte exactement contraire à celui de sa conception : aujourd’hui, le capital ne connaît plus aucune entrave à sa circulation internationale et la main d’œuvre devient, elle aussi, de plus en plus mobile. Quant à la division internationale du travail, elle appartient au passé, avec la multiplication des entreprises mettant en œuvre des technologies de pointe dans les pays à bas salaires. L’économie mondiale est devenue un bateau ivre, sans gouvernail.

La  réalité disqualifie intellectuellement le libre-échangisme
Voilà qui devrait disqualifier intellectuellement le libre-échangisme. Il n’en est rien. Il constitue, bien au contraire, le soubassement même de l’Union européenne, qui fait de la libre circulation des capitaux, des biens et des services trois de ses libertés fondamentales, la quatrième étant celle de la circulation des personnes.
Il est assez cocasse de remarquer que les Américains eux-mêmes, en la personne de Paul Volcker, ancien Président de la Federal Reserve Bank, dans un livre commun avec Toyoo Gyothen, ancien Ministre des Finances au Japon, ont reconnu que la théorie des avantages comparatifs perdait toute signification lorsque les taux de change pouvaient varier de 50% ou même davantage (1). Une forte dévaluation du dollar de 20% ou plus qui équivaut à une barrière douanière protectrice pour les pays qui appartiennent à la zone dollar est un énorme coup de canif aux principes du libre échange..

De Friedrich List à Paul Bairoch
Friedrich List, 

en 1840, expliqua qu’il fallait protéger les industries naissantes en Allemagne face à la concurrence sans merci des pays industriels les plus avancés. : « Toute nation qui, par des tarifs douaniers protecteurs et des restrictions sur la navigation, a élevé sa puissance manufacturière et navale à un degré de développement tel qu’aucune autre nation n’est en mesure de soutenir une concurrence libre avec elle ne peut rien faire de plus judicieux que de larguer ces échelles qui ont fait sa grandeur, de prêcher aux autres nations les bénéfices du libre échange,».


Paul Bairoch, 


professeur à l’Université de Genève, a également montré que la croissance économique dans la période 1870-1940, fut largement liée au protectionnisme. Paul Bairoch a publié, en 1994, une étude sur les Mythes et Paradoxes de l’histoire économique (2). Il écrit : «  On aurait du mal à trouver des exemples de faits en contradiction plus flagrante avec la théorie dominante qui veut que le protectionnisme ait un impact négatif, tout au moins dans l’histoire économique du XIXe siècle. Le protectionnisme a toujours coïncidé dans le temps avec l’industrialisation et le développement économique, s’il n’en est pas à l’origine. Bairoch montre notamment que le protectionnisme ne fut pas la cause, mais bien la conséquence du krach de Wall Street en octobre 1929. A partir de séries statistiques s’étalant de 1800 à 1990, il explique que le monde développé du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, à l’exception de quelques brèves périodes, tira son expansion économique de politiques très majoritairement protectionnistes, mais que, en revanche, il imposa le libéralisme aux pays qui allaient devenir le tiers monde, à l’Inde en particulier. Ni le Royaume-Uni, ni la France, ni la Corée, ni le Japon, ni la Prusse n’ont acquis leur puissance industrielle en respectant la loi des avantages comparatifs de David Ricardo.

La croissance dopée par les droits de douane
Cette approche a même donné naissance au « paradoxe de la croissance dopée par les droits de douane » (Tariff-growth paradox). Il est en effet établi, pour le XIXe siècle comme pour une bonne partie du XXe siècle, que la croissance est en relation inverse avec le degré d’ouverture du commerce international (3)
Les « nouveaux pays industrialisés » d’Asie démontrent également l’importance du protectionnisme. Une étude, publiée par l’université Harvard, souligne qu’il peut, tout autant que le libre-échange, générer une forte croissance économique (4). Ainsi, alors que le discours dominant du journalisme économique proclame depuis deux décennies que le protectionnisme est le mal absolu, les travaux scientifiques les plus récents aboutissent à un résultat inverse. Il y a donc discordance entre les discours économiques médiatiques et le discours scientifique.

Droits de douane et protection de l’environnement
Par ailleurs la libéralisation des échanges est loin de produire les gains espérés (5). Elle engendre des coûts qui ne sont pas pris en compte dans les modèles utilisés par les organisations internationales. Son bilan économique, hors même tout jugement social, est bien plus sombre qu’on ne l’affirme. Les droits de douane par exemple contribuent à défendre l’environnement en diminuant les quantités de CO2 engendrées par les périples de la mondialisation. Avant de venir garnir les linéaires des grandes surfaces en Ecosse, les crevettes « pêchées in Scotland » de la société Young’s Sea Food effectuent 27000 km aller ertour avec le Bengla Desh pour être simplement décortiquées dans ce pays à bas coût de main d’œuvre ! (6)

Les États-Unis, une nation longtemps protectionniste…
Si l’on regarde l’histoire économique des Etats-Unis, depuis leur création, il n’y a pas eu de nation plus protectionniste que les Etats-Unis ! On a dit d’Alexander Hamilton, 

dès la création des Etats-Unis, qu’il était un autre Colbert.

La guerre de sécession opposait le Nord industriel protectionniste au Sud agricole libre-échangiste (7). Le paroxysme du protectionnisme fut atteint en 1930 avec la loi Smoot-Hawley qui imposait des droits de douane record aux importations. De leur origine jusqu’aux années 1930, les Etats-Unis pratiquèrent donc un protectionnisme virulent avec des tarifs douaniers de l’ordre de 50% ; c’est avec cette stratégie qu’ils connurent le taux de croissance le plus élevé du monde et accédèrent au leadership mondial.

…Devenue libre-échangiste en 1945
Ce n’est que depuis 1945, sous la pression des Etats-Unis y trouvant leur intérêt, qu’une véritable pensée unique s’est mise en place : seul le libre échange absolu serait conforme à la rationalité économique. Toute autre analyse relève d’une pensée pré-scientifique et ne peut que susciter la commisération des gens compétents (8). Par ailleurs le pays qui s’est fait le soudain héraut du libre-échange le bafoue sans vergogne s’il n’y trouve plus avantage. Il y a fort à parier, avec une balance commerciale déjà déficitaire en 2006 de 763 milliards de dollars dont 232 milliards de dollars avec la Chine, que les mesures protectionnistes du Congrès américain vis-à-vis des importations chinoises vont se multiplier et prendre de plus en plus d’ampleur, malgré les digues de l’OMC.
Les Européens, en tant que consommateurs, peuvent acheter des produits de Chine ou d’Inde meilleur marché. Mais pour ces consommateurs, la contrepartie réelle de ces importations à bas prix est finalement la perte et la précarité de leur emploi ou la baisse de leurs salaires, ainsi que des prélèvements accrus pour couvrir le coût social du chômage. Les importations de biens de consommation en Europe augmentent d’une façon structurelle plus vite que les productions nationales menant le plus souvent à leur disparition.

Vers un protectionnisme européen ?
Emmanuel Todd 

a donc entièrement raison lorsqu’il a pu dire en décembre 2006 : « Je suis arrivé à la conclusion, il y a quelques années, que le protectionnisme était la seule conception possible et, dans un second temps, que la seule bonne échelle d’application du protectionnisme était l’Europe ». Mais là encore les médias et les moutons de panurge européens attendent que les Etats-Unis virent de bord à nouveau vers le protectionnisme, pour avoir enfin bonne conscience, voir les réalités en face et proclamer avec force leurs nouvelles certitudes d’une préférence communautaire qu’ils n’osent même pas évoquer à l’heure actuelle ! La forteresse Europe ne semble pouvoir être construite qu’à la remorque de « Fortress USA ». Ulysses Grant, Président des Etats-Unis de 1868 à 1876, a pu dire, avec un grand sentiment prémonitoire : « Pendant des siècles, l’Angleterre s’est appuyée sur la protection, l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes limites et en a obtenu des résultats satisfaisants. Après deux siècles, elle a jugé commode d’adopter le libre échange, car elle pense que la protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, Messieurs, la connaissance que j’ai de notre pays me conduit à penser que dans moins de deux cent ans, lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout ce qu’elle a à offrir, elle adoptera le libre échange ».

En finir avec les bobards libre-échangistes !
Alors que cela est inexact, un très grand nombre d’Européens, crétinisés par les lieux communs médiatiques, établissent très souvent la comparaison avec la ligne Maginot, croyant ainsi mettre brillamment et très rapidement un terme aux discussions avec leur interlocuteur, essayant de lui faire comprendre que la messe est dite ! Or, à la réflexion, la ligne Maginot en mai 1940 a parfaitement joué son rôle, car la seule véritable erreur a été de faire sur le plan militaire le même pêché de naïveté qu’aujourd’hui sur le plan économique, à savoir de respecter la neutralité de la Belgique, tout comme l’on respecte aujourd’hui les bobards libre-échangistes, et de ne pas en achever la construction jusqu’à Dunkerque, dont l’équivalent économique actuel serait le rétablissement de la préférence communautaire ! L’Allemagne avait aussi sa ligne Maginot, la ligne Siegfried, qui a parfaitement joué son rôle fin 1944- début 1945 !

Marc Rousset





Notes:

1) Paul Volcker et Toyoo Gyohten - Changing Fortunes - NY, Random House-1992-p293
2) Paul Bairoch- Mythes et Paradoxes de l’histoire économique - Editions La découverte,
1994, p.80
3) Kevin H. O’Rourke -Tariffs and growth in the late 19th century - Economic Journal, vol.110, n°3, Londres, avril 2000
4) Michael A. Clemens et Jeffrey G. Williamson - A tariff-growth paradox ? Protection’s
impact in the world around 1875-1997
- Center for International Development -
Université Harvard- Cambridge-Mass-août 2001
5) Franck Ackerman - The shrinking gains from trade : a critical assessment of Doha
round projections
- Global Development and Environment Institute- document de
travail n° 05-01, Université Tufts-Medford (Mass)- octobre 2005
6) Thierry Fabre - L’incroyable parcours des produits « made in monde - Capital - Mars
2007, pp 76-79
7) André Philip - Histoire des faits économiques et sociaux - Aubier-1963 - pp 142 - 146
8) Marc Rousset - Les Euroricains - Chapitre XX - Non au libre échange mondialiste-
Godefroy de Bouillon -2001- pp.186 - 199


Correspondance Polémia
20/12/2009

Image : Colbert en habit de l’Ordre du Saint-Esprit