Quand on sort d’un débat comme celui-là, on a tendance bien sûr à refaire le match et à se demander si l’on a bien formulé ce que l’on voulait dire. A posteriori, j’aurais aimé insister davantage sur deux aspects.
Le premier concerne l’incapacité des partisans de l’euro à voir la réalité et leur talent à travestir les faits pour ne pas remettre en cause leur construction chimérique.
Cela arrive souvent chez les hommes politiques, mais c’est censé être plus rare chez les économistes, tout de même animés par un certain empirisme. En l’occurrence, j’ai été stupéfait de voir deux économistes, Daniel Cohen et Agnès Bénassy-Quéré, énoncer avec un aplomb incroyable des contre-vérités flagrantes. Alors que la guerre monétaire fait rage dans le monde, et en Europe même (ce dont convient d’ailleurs Elisabeth Guigou !), la chercheuse du CEPII ose dire qu’il n’y a pas de guerre économique dans le monde ! De même, Daniel Cohen nous explique que la croissance dans la zone euro est supérieure à celle des Etats-Unis, ce qui est bien sûr, chacun pourra le vérifier, totalement faux.
En vérité, l’euro est pour eux une nouvelle religion. Un peu à la manière du défunt dogme communiste, qui poussait les dignitaires soviétiques à défendre bec et ongles les réussites totalement imaginaires du système, tout en réfutant avec une abyssale mauvaise foi jusqu’à l’existence de toute oppression policière. Pour eux, la conclusion était imparable : « il faut plus de communisme pour résoudre les (petites) imperfections du communisme ! » En somme, plus de goulag pour faire disparaître le goulag. Aujourd’hui, les ultraconservateurs de la monnaie unique nous expliquent pareillement qu’il faut plus d’intégration pour faire réussir l’intégration. Evidemment, pourraient-ils ajouter : « pourquoi donc changer un système qui… perd ! ? »
En second lieu j’ai été surpris de voir à quel point ils ne concevaient même plus l’idée d’une France indépendante, maîtresse de son destin. Défaitisme à l’égard du rôle que peut jouer l’Europe dans le monde. Défaitisme à l’égard de la capacité de la France à poursuivre son chemin de nation libre, pour peu qu’elle ait le courage d’assumer à nouveau le rôle de pays non-conformiste, ce qui a toujours coïncidé avec les grandes pages de son histoire.
La seule issue pour eux est la fusion avec une Allemagne en déclin démographique. En somme, la fermeture de la Maison France, l’accomplissement, d’une certaine manière, du projet du Nouvel Ordre européen promu par Pierre Laval. Qu’auraient-ils fait aussi en 1945, quand le pays était ruiné, détruit ? Auraient-ils sollicité un protectorat américain, en remplacement de l’allemand ? L’esprit du Conseil National de la Résistance leur est totalement étranger.
Comment peuvent-ils d’ailleurs briguer les suffrages des Français, alors même qu’ils n’ont plus envie de se battre pour eux ?
Cette panne de conviction, d’imagination, de volonté, de courage, est indigne du sang versé par nos aînés pour la dignité de la France, la liberté des Français et notre démocratie, tout au long de notre histoire. Quant à la nécessaire coopération européenne, n’oublions jamais que, pour être durable, elle doit reposer sur des nations bien vivantes et égales en droit et devoirs."

Nicolas Dupont-Aignan
Source.

Remarque :
sur le caractère foncièrement idéologique de la construction (qui est en réalité une véritable déconstruction et rien d'autre : déconstruction économique, sociale, culturelle, démographique) européenne la lecture du très bon livre de Roland HUREAUX "Les Hauteurs Béantes de l'Europe" est fortement recommandée.



L'avis de Bernard Cassen du Monde Diplomatique sur ce bouquin :

"SIX mois avant le fameux manifeste Blair-Schröder, qui levait les dernières incertitudes (lire, page 3, l’article de Riccardo Petrella), Roland Hureaux avait publié une brillante étude montrant que la social-démocratie européenne était l’incarnation de la droite moderne (1). Et cela non pas d’un point de vue d’extrême gauche, comme l’argumentation développée pouvait à première vue le laisser croire, mais, bien au contraire, par une analyse empruntant ses références à la droite républicaine et aux valeurs du gaullisme. Notre auteur récidive sur ce registre iconoclaste avec un livre qui démonte les dérives d’une construction européenne assimilée à une pure chimère idéologique (2). Et c’est à dessein qu’il emprunte son titre à celui de l’oeuvre classique (3) de l’ex-dissident soviétique Alexandre Zinoviev, dont la voix, jadis adulée en Occident lorsqu’il tournait en dérision la propagande soviétique, ne suscite guère d’écho quand il récuse la stratégie des Etats-Unis et de leur outil de mise sous tutelle de l’Europe qu’est l’OTAN (4).
Procédant de manière pédagogique, en s’appuyant largement sur Hanna Arendt, Roland Hureaux dégage les principaux caractères de la démarche totalitaire. Il les place ensuite en regard de celle de Jean Monnet et de ses successeurs, sans évidemment mettre un signe d’égalité entre fascisme, communisme et européisme. Et cela marche de manière étonnante !
Avec la même nomenclature : 
primauté des principes abstraits,
fausse science, 
visée universaliste,
langue de bois, 
absence de démocratie, 
refus du débat, 
disqualification de l’adversaire, 
centralisation outrancière, 
pouvoir technocratique et bureaucratie proliférante, 
déni de la séparation des pouvoirs, 
promesses d’un « avenir radieux » nécessitant toutefois des sacrifices immédiats, 
irréversibilité, 
abolition des différences, 
destruction de la politique, 
sentiment de l’absurdité,
c’est une véritable radiographie de l’Europe « monnetiste et monétariste » qui nous est offerte.
ROLAND HUREAUX s’interroge sur les raisons du succès de cette idéologie, particulièrement en France - beaucoup plus, d’ailleurs, chez les médias et les hauts fonctionnaires que dans les milieux d’affaires. Pour ces « élites », l’ « Europe » constitue un formidable alibi pour se défausser de leurs responsabilités : être à l’écoute de la communauté nationale et résoudre les problèmes majeurs qui se posent à elle, en premier lieu le chômage. Mais nul besoin, pour elles, d’écouter, puisqu’elles savent et sont porteuses d’une vérité qu’il convient simplement d’inculquer à un peuple récalcitrant et méprisé parce que encore attaché à des « démons » d’un autre âge, en particulier le sentiment national. « Puisque l’Europe porte en elle le sublime espoir de résoudre tous les problèmes (...), c’est à Bruxelles qu’il faut demander la solution », écrit l’auteur, et « ceux que le peuple de France prenait pour ses dirigeants naturels préfèrent jouer les commis modèles ».
En dernière instance, explique-t-il, l’esprit de servitude volontaire, tentation de toutes les élites, a besoin d’un alibi idéologique, comme ce fut le cas avec la « révolution nationale » de Vichy. C’est aujourd’hui la fonction que remplit une idéologie européiste qui a fort peu à voir avec la nécessité, bien réelle, de construire, comme le disait De Gaulle, « une Europe qui intéresse les peuples ».